Société Suisse des médecins-conseils et médecins d'assurances

Excursus: Les critères EAE lors de la mise en œuvre «hors étiquette» (off-label-use) d’un médicament en présence d’une maladie rare

On parle d’un off-label-use d’un médicament si ce médicament, qui bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché par une autorité compétente, et dont la qualité, l’efficacité et la sécurité ont donc été vérifiées, n’est pas prescrit ou utilisé selon les textes informatifs approuvés (résumé des caractéristiques du produit).

Dans son arrêt dit "Myozyme", qui tranche sur le remboursement d’un médicament off-label dans le cas d’une maladie rare (orphan disease), la Cour fédérale a estimé que des fonds publics ne seraient pas disponibles de manière illimitée et qu’il y aurait lieu de viser généralement une répartition aussi égale devant la loi que possible. Il n’est possible de généraliser que ce que l’on pourrait attribuer de manière égale à tous ceux qui se trouveraient dans la même situation. Sans justification particulière, l’égalité de droit et l’égalité de tous les humains ne permettrait pas de fournir à certains assurés des prestations, dont d’autres assurés, dans la même situation, ne bénéficieraient pas. Fournir des prestations qui ne seraient pas aptes à être généralisées violerait par conséquence le principe de l’égalité de droit (ATF 136 V 395 E. 7.7. La Cour fédérale ne distingue pas, dans ses considérations, entre maladies fréquentes et maladies rares, ce qui influence la répartition – prétendument – égale des moyens, avec une violation de l’égalité des chances des patients atteints d’une maladie rare. Or, le principe de la généralisation ne doit pas avoir pour conséquence que ce qui n’est pas égal – c’est-à-dire des maladies rares et des maladies courantes – soit traité de manière égale (cf. Poledna/Tschopp, Jusletter).

La prise en charge d’un médicament off-label (hors étiquette) est réglementée par les articles 71 a et b OAMal. L’assureur doit avoir consulté le médecin-conseil avant de décider de prendre le coût du médicament en charge. La prise en charge suppose un bénéfice thérapeutique élevé. Celui-ci est à évaluer en fonction de l’efficacité et de l’adéquation en considérant que, la question du bénéfice thérapeutique même est une question de fait. Si le bénéfice doit être considéré comme « élevé » au sens de la loi est, en revanche, une question de droit. Selon la Cour fédérale, il n’est pas possible de répondre séparément aux questions du bénéfice thérapeutique élevé et de l’efficacité. En effet, plus un bénéfice est élevé, plus celui-ci est susceptible de justifier un coût également plus élevé (voir aussi ATF 136 V 395 E. 6.3, 7.4.).

Toutefois, les coûts à assumer par l’assureur doivent toujours être en rapport avec le bénéfice thérapeutique. Il revient au médecin-conseil de déterminer ce dernier. Un débat actuel porte sur la question de savoir si et dans quelle mesure le médecin-conseil doit se prononcer (également) sur le montant de la prise en charge. Dans la plupart des cas, les assureurs, notamment les « poids lourds » de la branche, fixent eux-mêmes, sans l’avis du médecin-conseil, le montant de la prise en charge. (Nota : Pour les médicaments admis dans la liste des spécialités, l’examen de l’efficacité a lieu avant leur admission dans la liste). Pour les médicaments qui ne figurent pas dans cette liste, l’efficacité doit être examinée au cas par cas (voir aussi ATF 136 V 395 E. 6.3, 7.4.4). Les assureurs de moindre envergure plus particulièrement ont recours au médecin-conseil avant leurs décisions sur le montant du remboursement, probablement parce qu’ils manquent eux-mêmes de compétence professionnelle en la matière. Or, même chez les assureurs qui ne consultent pas le médecin-conseil quant au montant de la prise en charge, le contenu des notifications du médecin-conseil leur fournissent des informations essentielles et pertinentes pour l’appréciation du montant à rembourser (voir aussi Rüefli/Bolliger, Schlussbericht p. 27 F et 30).

La Cour fédérale a en outre clairement précisé dans son arrêt que les critères généraux efficacité, adéquation et économicité s’appliquent aussi en cas d’obligation de remboursement pour les médicaments orphelins (orphan drugs), sachant que l’efficacité doit être démontrée selon des méthodes scientifiques, ce qui exclut une évaluation au cas par cas. Or, puisque dans le cas d’un off-label-use, il ne s’agit justement pas d’évaluer l’admission ou non d’un médicament dans la liste des spécialités, l’appréciation d’un bénéfice thérapeutique élevé devrait donc s’orienter aux conditions d’autorisation pour une durée limitée de médicaments sans autorisation de mise sur le marché au sens de l’art. 9, al. 4 LPTh. Une telle autorisation supposerait l’existence de résultats intermédiaires d’études cliniques, démontrant qu’un bénéfice thérapeutique élevé serait très probable. En l’absence totale d’études cliniques, il ne serait pas possible d’évaluer l’efficacité uniquement sur le résultat obtenu dans un cas individuel, d’autant plus qu’une amélioration de l’état de santé pourrait aussi se produire spontanément ou pour d’autres raisons (voir aussi ATF V 395 E. 6.5).

Pour l’évaluation du bénéfice thérapeutique élevé d’un orphan drug dans le cadre des articles 71a et 71b OAMal, il faudra sans doute se satisfaire d’exigences moins sévères quant au niveau d’évidence des études. Sinon, il ne semble pas du tout certain que l’on puisse un jour affirmer qu’un médicament orphelin présente un bénéfice thérapeutique élevé (cf. Menzi, p. 53). La Cour fédérale précisait dans l’arrêt Myozyme susmentionné que des montants ne dépassant pas 100'000.- CHF environ par année humaine sauvée pourraient encore être considérés comme appropriés. S’appuyant sur la répartition équitable dans le cadre de l’art. 8, al. 1 Cst, la Cour fédérale a donc introduit la notion d’un seuil chiffré, dont la base de calcul n’est pas unanimement acceptée. L’invocation de la répartition équitable non différenciée a parfois été critiquée. Il n’est pas clair dans quelle mesure ce montant de 100'000.- CHF est contraignant et s’il peut, voire doit être transposé à d’autres cas de maladies rares. Il faut en outre se poser ici la question de savoir si la décision prise dans ce cas aurait été différente, si très peu de personnes seulement avaient été concernées de la même manière sur le plan médical. Pourrait-on même envisager le versement de montants supérieurs en l’absence de cumul de prestations ? (Voir aussi Poledna/Tschopp, Jusletter Rz 25F, quant à au caractère contraignant du seuil de prise en charge de coût, ainsi que Wasserfallen/Junod, SAEZ, notamment le commentaire de Hanspeter Kuhn, avocat et responsable du service juridique de la FMH).

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