Société Suisse des médecins-conseils et médecins d'assurances

13 Obligation de restreindre le dommage

Update, 3ème édition, avril 13

Introduction

L'obligation de restreindre le dommage est un thème à la mode, à une période où les finances sont précaires et où les coûts des assurances sociales ne cessent d'augmenter. Se fondant sur cette obligation qui responsabilise le patient, les instances politiques et la société espèrent d'importantes économies. Reste à savoir si cette obligation de restreindre le dommage, telle qu'on la définit aujourd'hui, peut satisfaire à cet objectif.

Les exposés suivants traitent de l'obligation de restreindre le dommage dans un contexte médical.

Contenu/Signification

Définition

L'obligation de restreindre le dommage signifie que l'assuré doit entreprendre tout ce qui est en son pouvoir pour atténuer les conséquences de ses problèmes de santé.

Objectifs de l'obligation de restreindre le dommage

Le principe de l'obligation de restreindre le dommage poursuit deux objectifs: préserver la société, resp. les cotisants de lourdes charges d'une part, et d'autre part, rendre l'assuré conscient de sa santé en le responsabilisant et en favorisant son intégration dans la société.

Eléments

L'obligation de restreindre le dommage peut consister aussi bien en un acte effectif (comme par ex. collaboration, édition de documents, communication de renseignements, usage de moyens auxiliaires), en une acceptation de traitement (par ex. examens médicaux ou thérapie) ou encore en une privation (par ex. Nicotine). L'AI fait nettement la distinction entre le devoir de participation (lors de la clarification de l'atteinte à la santé) et le devoir de restreindre le dommage (réduire les prestations relatives à l'atteinte à la santé).

Limites de l'obligation de restreindre le dommage

L'obligation de restreindre le dommage exige de la personne assurée un certain comportement. Ce comportement peut toutefois s'avérer inexigible pour l'assuré. En cas d'inexigibilité, il n'existe pour l'assuré aucune obligation de se conformer à la conduite que l'on exige de lui.

L'inexigibilité constitue donc la limite de l'obligation de restreindre le dommage. Cette notion pèse les intérêts de la collectivité, soucieuse de l'utilisation la plus économique des mesures, et ceux de la personne concernée en la laissant organiser sa vie privée le plus librement possible.

Signification de l'exigibilité

Les mesures exigibles doivent

  • être appropriées, c.à.d. pouvoir contribuer à atteindre l'objectif fixé
  • être nécessaires, c.à.d. indispensables, sans lesquelles l'assuré n'irait pas bien, resp. pas aussi bien
  • être proportionnelles, autrement dit constituer un compromis entre l'objectif recherché et la conduite exigée de l'assuré
  • L'AI ne requiert l'obligation de restreindre le dommage que lorsque le succès augmente la capacité de travail. Il n'est pas demandé de restreindre le dommage pour une amélioration de l'affection sans augmentation de la capacité de travail

Evaluation de l'obligation de restreindre le dommage et de l'exigibilité

L'obligation de restreindre le dommage et l'exigibilité doivent toujours être évaluées au cas par cas, c.à.d. en tenant compte de la situation personnelle de l'assuré.

Tous les aspects des données objectives et subjectives doivent être évalués dans leur globalité.

Application

Juridiquement, on ne peut ni imposer ni contraindre à l'obligation de restreindre le dommage. Il s'agit d'un pur devoir. Cette obligation ne constitue pour l'assuré qu'un simple devoir – devoir quand même - que l'assuré doit assumer s'il entend préserver tous ses droits aux prestations. Par exemple, si un assuré refuse de se soumettre à une opération raisonnablement exigible, l'assurance ne peut pas le contraindre à la faire. Par contre, l'assuré doit accepter que son comportement entraîne une réduction de prestations de l'assureur.

L'assureur est tenu d'avertir l'assuré de la sanction, et cela avant de lui imposer les conséquences juridiques. L'assuré a ainsi la possibilité de se conformer au comportement exigé ou de maintenir sa position, mais en toute connaissance de cause. Cette procédure se nomme "mise en demeure et délai de réflexion". De nombreuses mesures relatives à l'obligation de restreindre le dommage échouent pour la simple raison que la procédure de "mise en demeure et délai de réflexion" n'a pas été effectuée ou incorrectement effectuée. Il est donc souhaitable que les médecins rappellent de temps en temps cette procédure aux personnes responsables. Il est également important que l'assurance adresse à l'assuré une mise en demeure écrite et impartisse un délai de réflexion raisonnable tout en précisant concrètement le comportement qu'il est censé adopter.

Champ d'application

L'obligation de restreindre le dommage est un principe juridique général, qui est applicable dans toutes les branches de l'assurance sociale et à tous les niveaux de procédure.

Bases juridiques les plus importantes

Article de loiContenu
Cst 6Auto-responsabilité dans l'accomplissement des tâches de l'Etat
LPGA 21Réduction/refus de prestations en espèces lorsque le risque assuré a été provoqué intentionnellement ou réalisé en commettant intentionnellement un crime ou un délitObligation de se soumettre à tout traitement ou mesure de réinsertion dans les limites du raisonnableLes mesures présentant un danger pour la vie ou la santé ne sont pas exigiblesMise en demeure et délai de réflexion doivent précéder les sanctions
LPGA 28Obligation de collaborer et de fournir les renseignements
LPGA 31Avis obligatoire en cas de modification des circonstances
LPGA 43Obligation de se soumettre aux traitements raisonnablement exigiblesEn cas de refus inexcusable de se conformer à l'obligation de renseigner ou de collaborer, l'assureur peut ne pas entrer en matière ou clore le dossier Mise en demeure et délai de réflexion doivent précéder les sanctions
LACI 16Définition du travail raisonnablement exigible
LACI 17L'assuré a l'obligation de faire tout ce qui est en son pouvoir pour éviter/raccourcir le chômage
LPP 35Réduction si l'AVS/AI fait une réduction parce que l'accident est dû à une faute grave de l'assuré ou si celui-ci refuse de se soumettre à une mesure de réinsertion
OPP 2 25L'institution de prévoyance n'est pas obligée de compenser le refus ou la réduction de prestation le l'AA si le sinistre est dû à une faute grave
LAI 7Obligation de collaborerRéduction/refus de prestations en cas de manquementLes indemnités journalières et les allocations pour impotents ne sont ni refusées ni réduites
LAM 18Obligation de se soumettre à un traitement/une mesure médicale raisonnablement exigible destiné à établir un diagnostic et permettant vraisemblablement d'espérer une amélioration notable
LAA 37Prestations refusées si l'atteinte à la santé ou le décès a été provoqué intentionnellementL'assurance-accident non professionnel ne verse pas d'indemnités journalières pendant 2 ans si l'accident est dû à une faute graveSi l'accident intervient au cours d'un crime ou d'un délit, les prestations en espèces sont réduites/refusées
LAA 82L'employeur est tenu de prévenir les accidents et maladies professionnelles; les travailleurs sont tenus de collaborer
OLAA 48LAA 37 n'est pas applicable si l'assuré était incapable de discernement ou si le suicide/l'automutilation est la conséquence d'un accident assuré
OLAA 49Prestations en espèces réduites en cas d'accident non professionnel dû à une exposition à des dangers extraordinaires (par ex. service militaire à l'étranger, participation à des bagarres)
OLAA 50Prestations en espèces réduites en cas d'accident non professionnels dus à une entreprise téméraire (par ex. participation à un rallye de montagne)
OLAA 55Obligation de renseigner et de présenter les documentsObligation de se soumettre aux mesures d'investigation
OLAA 61Si l'assuré se soustrait à un traitement exigible, il n'a droit qu'aux prestations qui auraient dû être allouées si ladite mesure avait produit le résultat escompté
LCA 61Lors du sinistre, obligation de restreindre le dommage

Particularité: l'art. 21 ATSG n'est pas valable dans le domaine de l'assurance-chômage.

Critères d'exigibilité

Introduction

Comme mentionné précédemment, il convient de considérer aussi bien les critères objectifs que subjectifs (pris dans leur globalité) pour juger de l'exigibilité d'une mesure,. Mais "subjectif" ne signifie pas qu'il faille apprécier les faits selon le point de vue de l'assuré. "Subjectif" signifie relatif au sujet. En d'autres termes, il s'agit des circonstances pouvant objectivement empêcher l'assuré de satisfaire à cette obligation qui, sinon, pourrait être satisfaite.

Pour finir, il faut examiner quand un assuré, par son comportement, peut être rendu responsable du manquement à son obligation de restreindre le dommage.

Par "mesures" on entend essentiellement des mesures médicales comme des opérations ou thérapies. Dans la mesure du possible, des exemples jurisprudentiels sont joints aux différents critères. Les jugements du TFA sont publiés dans leur intégralité sous http://www.bger.ch, selon les indications telles que (p.ex. K42/04 ou TFA 118 V 107)

Critères objectifs

La vie et la santé ne doivent pas être menacés

La mesure exigée ne doit en aucune manière menacer la vie de l'assuré. Elle ne doit provoquer ni déformation ni douleurs excessives. Les opérations nécessitant un traitement consécutif durable ne sont pas exigibles.

Les interventions doivent être sans danger selon les précédents médicaux et leurs risques négligeables. Pour qu'une opération puisse être considérée exigible, il faut que ce soit une opération de routine ne présentant aucun risque anesthésique particulier.

Lors de la prescription de médicaments, il faut également tenir compte des éventuels effets secondaires.

Font également partie de l'évaluation: l'affection à traiter, l'état clinique antérieur, ainsi que d'éventuelles affections pouvant survenir à la suite du traitement.

Pour répondre à la question de savoir si une mesure constitue une menace pour la vie et l'intégrité corporelle, il convient de se référer à la science médicale actuelle. En effet, il peut arriver que l'évaluation faite à un moment donné change au fil du temps, comme le démontre clairement le troisième exemple datant des années 80.

Danseuse de ballet de 37 ans avec fracture du troisième orteil du pied gauche (associée à un kyste ou tumeur de la région de l'épiphyse proximale du péroné, avec risque de fracture spontanée, instabilité du genou gauche, contusion de la cheville gauche 4/01 avec douleurs persistantes); l'ablation d'un kyste osseux au pied gauche est exigible car l'intervention est de courte durée et les chances de succès sont bonnes. Prise de position OFAS Février 2004
Assuré avec une contusion/distorsion de la main droite dominante; l'arthrodèse du poignet est exigible.Arrêt TFA du 1.3.05 (U 287/03)
Assuré de 42 ans avec une ostéochondrose de L5/S1, syndrome lombovertébral et maladie de Scheuermann: spondylodèse (operation de fusion de vertèbres) est exigible car le recours à la voie chirurgicale est unanimement conseillée, sans risque et, en principe, les chances de réussite sont bonnes.ZAK 1985 S. 327
L'amputation partielle de l'index est exigible lorsqu'elle permet de réduire l'invalidité.Rumo-Jungo, Jurisprudence LAA 2003, p. 258

Rapport équitable objectif/moyens

L'objectif qui consiste à alléger le plus possible les coûts de l'assurance sociale ne doit pas conduire au choix de moyens disproportionnés. L'assurance sociale doit toujours tenir compte de toutes les circonstances et prendre la mesure la plus douce et la plus prometteuse.

Lorsqu'il s'agit d'importantes prestations (par ex. rentes, reconversion, traitement coûteux), l'assureur est en droit d'avoir de plus grandes exigences envers l'assuré. Par contre, lorsqu'il s'agit de prestations isolées (par ex. un déambulateur), les assureurs éviteront de se référer à l'obligation de restreindre le dommage.

Une opération doit - avec certitude ou très vraisemblablement – mener à une guérison complète ou tout au moins une amélioration considérable de l'affection. Dans les domaines où les prestations sont liées à la capacité de travail, l'intervention doit augmenter considérablement la capacité de travail. L'amélioration escomptée doit être stable et durable.

Un rapport équitable objectif/moyens signifie également qu'un traitement stationnaire est inexigible lorsqu'un traitement ambulatoire suffit. A l'inverse, l'assurance ne peut exiger un traitement ambulatoire si seul le traitement stationnaire est prometteur.

L'arthrodèse du genou n'est pas raisonnablement exigible; étant donné les antécédents non soignés, il n'y a pas de guérison complète possible et une nette amélioration de l'affection est très improbable.Plaidoyer 4/1996 S. 66
Assuré avec un syndrome d'apnée du sommeil, d'une hypertonie artérielle et d'adiposité; la caisse-maladie n'est pas tenue de prendre en charge le séjour stationnaire, car un traitement ambulatoire suffit; manque de compliance.Arrêt TFA du 6.9.04 (K 42/04)
Pour un assuré de 38 ans avec douleurs non spécifiques post traumatiques à la suite d'une fracture de l'arc du bassin type C et rupture extrapéritonéale de la vessie, la prise modérée d'analgésiques pour calmer les douleurs résultant d'une position assise ou debout prolongée est exigible. Arrêt TFA du 22.4.05 (U 417/04)

Critères subjectifs

Situation économique

La situation financière de l'assuré doit lui permettre de se soumettre à la mesure exigée. Par conséquent, l'assurance doit examiner qui financera le traitement. (assureur, AA, AI, assurance responsabilité civile, assuré lui-même). S'il s'avère qu'il sera à la charge de l'assuré, il conviendra d'examiner sa situation financière.

Dans le cadre d'une profession libérale, des pertes financières importantes peuvent rendre une mesure inexigible.

Age de l'assuré

L'âge avancé d'une personne peut remettre en question les chances de réussite d'une opération ou conduire à une durée de convalescence déraisonnable.

Le jeune âge du patient peut aussi jouer un rôle. Ainsi, une opération dont les chances de succès sont limitées pour de jeunes enfants peut être considérée comme une mesure inexigible parce qu'elle nécessite une anesthésie générale, ce qui n'est pas le cas pour les adultes.

Assuré de 60 ans avec une maladie de Ménière; la neurectomie vestibulaire offre 95% de chances de succès. Inexigible car encore peu pratiquée en Suisse, une opération objectivement lourde, nécessitant une longue convalescence, générant un stress important; peur panique de l'assuré à la perspective de l'intervention. L'âge rend les chances de succès de l'opération et la récupération intégrale de la capacité de travail aléatoires.ZAK 1985 S. 325

Situation familiale

La situation familiale d'un assuré peut également conduire à l'inexigibilité de mesures. En règle générale, il est pratiquement impossible d'exiger d'une personne ayant en charge de jeunes enfants de se soumettre à une thérapie nécessitant une hospitalisation de plusieurs semaines. Les mêmes règles valent pour un assuré ayant des parents âgés à charge chez lui.

Assuré de 39 ans avec une tuberculose pulmonaire; la séparation de sa famille pour une reconversion est raisonnablement exigible. ZAK 1962 p. 436

Particularités physiques, intellectuelles, psychiques et autres

Dans l'appréciation générale, il convient de prendre également en compte la peur panique de l'assuré à l'idée d'une intervention, les mauvaises expériences vécues auprès de l'institution médicale concernée ou encore le fait qu'un expert est de parti pris ou refuse l'examen.

L'intelligence, les connaissances de la langue et le niveau culturel peuvent parfois être déterminants lors de l'évaluation de l'exigibilité. Une cure compliquée peut par exemple se révéler inexigible pour un patient peu cultivé et ne parlant pas la langue du pays.

Un lieu de thérapie trop éloigné peut également rendre une mesure inexigible.

L'expertise ophtalmologique est une mesure inexigible car l'assuré avait perdu la vue en dépit des interventions chirurgicales et que les médecins s'étaient déjà prononcés avant sur sa capacité de travail. De plus, même l'expert n'était pas disposé à procéder à l'expertise.ZAK 1992 p. 126
L'hospitalisation pour des examens dans une clinique psychiatrique universitaire n'est pas exigible, l'assuré y ayant été traité par le passé par des électrochocs qui avaient provoqué une fracture de l'humérus longtemps non diagnostiquée, ce qui explique sa grande peur.Maurer Alfred, p.237
Une assurée avec troubles subjectifs à la suite d'une hystérectomie vaginale doit se soumettre à un examen psychiatrique ambulatoire.ZAK 1983 p. 543
Assuré avec diabète mellitus manque à son obligation de restreindre le dommage s'il ne suit pas les instructions de traitement de son médecin (le diabète m. n'entraîne pas une incapacité de travail); il y a également manquement à ladite obligation si l'évolution vers une dépression névrotique n'est pas traitée par voie médicamenteuse, le médecin traitant ayant estimé que la thérapie ne pouvait qu'échouer en raison du manque de compliance.Arrêt TFA du 20.4.05 (I 797/04)

Participation de tiers

Lorsqu'une thérapie nécessite absolument la participation de tiers et que ceux-ci refusent d'apporter leur concours, la mesure est inexigible. La liberté personnelle des tiers prend le pas sur l'obligation.

Assurée de 51 ans souffrant d'une psychose maniaco dépressive chronique. Chances de guérison par un traitement supplémentaire nécessitant la participation de tiers (famille et ami). La participation des parents à la thérapie n'est pas exigible compte tenu de leur âge et de leur lieu d'habitation isolé. La participation d'un ami marié n'est pas envisageable. La thérapie présente un caractère irréalisable et ne peut par conséquent pas être exigée de l'assurée.Arrêt TFA du 8.3.88 (non publié)

Imputabilité

Si un assuré ne se soumet pas aux mesures exigibles, il ne respecte pas son obligation de restreindre le dommage. Dans la mesure où on peut lui reprocher son comportement, cela a des conséquences. L'assuré doit alors être tenu responsable de son comportement.

L'imputabilité suppose l'existence d'une faute objective, d'un comportement fautif de l'assuré. Mais la faute doit également exister d'un point de vue subjectif, c'est-à-dire que la personne concernée doit être capable de discernement. La capacité de discernement est une notion qui englobe la capacité d'analyse, la capacité d'assimilation de même que la capacité à agir conformément aux connaissances acquises.

L'âge avancé ou, au contraire, le trop jeune âge, l'aliénation ou la déficience mentale, des douleurs intolérables ou une maladie grave ne permettant pas à l'assuré d'adopter une conduite raisonnable peuvent remettre la faculté de discernement en question.

La capacité de discernement ne doit pas être appréhendée d'une manière générale, elle ne doit être appréciée qu'au regard de l'obligation concrète que l'assuré doit remplir.

L'assuré, 30 ans, refuse un examen psychiatrique. Il n'y a pas manquement à l'obligation de restreindre le dommage, bien que l'examen soit objectivement appropriée et exigible en raison de l'irresponsabilité du patient (psychopathie schizoïde, évolution neuro-psychopathique avec perte de contact avec la réalité).Arrêt TFA du 2.7.75 (non publié)
Assuré de 42 ans avec des problèmes de dentition par suite de boulimie: il convient entre autres de vérifier si l'obligation de restreindre le dommage (hygiène buccale suffisante) est exigible malgré les troubles psychiques de l'assuré. L'hygiène buccale au quotidien et la consultation régulière d'un dentiste restent en principe des mesures raisonnablement exigibles; expertise nécessaire permettant de vérifier si l'apparition de caries pouvait objectivement être évitée compte tenu de la situation personnelle de l'assuré.Arrêt TFA du 15.6.05 (K 175/04)
Le droit d'un assuré héroïnomane à bénéficier d'un traitement à la méthadone de longue durée ne saurait être refusé au motif de l'obligation de restreindre le dommage, car dans ce cas, l'échec d'une cure de désintoxication n'est pas imputable au manque de bonne volonté, mais bien à l'addiction pathologique elle-même.ATF 118 V 107/116

Questions particulières

Trouble somatoforme douloureux

Les troubles somatoformes douloureux posent de nombreux problèmes aux assurances. Selon la jurisprudence la plus récente, il est désormais établi que lors de l'évaluation de l'exigibilité, il faut supposer que les troubles somatoformes douloureux sont surmontables.1

Dans les cas d'espèce, il convient de vérifier si et dans quelle mesure cette supposition peut être réfutée et dans quels cas la capacité de travail de l'assuré devient impossible ou inexigible. Il faut évaluer dans quelle mesure les syndromes de douleur influent sur la capacité de travail et sont surmontables au moyen d'un "effort de volonté" exigible. Pour cela, on considère divers facteurs: une structure de personnalité marquante préexistante, un dossier médical de plusieurs années faisant état du caractère chronique de la maladie et de symptômes stables ou évolutifs, l'échec d'un traitement réalisé conformément aux règles de l'art, l'apparition de maladies concomitantes physiques ou psychiques, un bénéfice secondaire élevé de la maladie ou une perte de l'intégration sociale (divorce, perte de l'emploi, repli social, perte des intérêts personnels) au cours de la maladie psychique.

Ces facteurs ne sont à considérer que s'ils se manifestent avec un minimum de fréquence et d'intensité. Il n'est pas nécessaire que dans chaque cas un expert psychiatrique se prononce précisément sur chacun des points cités précédemment, c'est l'approche globale de la situation qui est déterminante.

Addiction

Fondamentalement, le traitement d'une addiction présente un caractère exigible. En elle-même, une addiction n'est pas considérée comme un préjudice de santé invalidant. Elle ne devient significative que lorsqu'elle découle d'un tel préjudice de santé ou entraîne un préjudice de santé.2

En pratique, les addictions et les maladies concomitantes sont à ce point indissociables qu'il est impossible de faire la part des choses. Les experts ne s'accordent pas non plus sur la nature des thérapies envisageables selon les patients et divergent à ce point qu'il n'est pas possible d'en tirer un enseignement général. Sur ce point précis, il n'existe pas (encore) de références jurisprudentielles.

Il est donc indispensable que dans les cas d'espèces, le médecin donne un avis fondé précisant concrètement pourquoi la cure de désintoxication présente un caractère exigible pour l'assuré, quelle forme celle-ci doit avoir et quelles sont les chances de succès.

Bien que l'alcoolisme soit la conséquence d'une névrose dissociale, les mesures de désintoxication alcoolique sont exigibles pour un assuré qui, s'il n'était pas alcoolique, aurait une capacité de travail de 70% pour des travaux faciles. Même si la coopération du patient reste hypothétique, il n'est pas possible de conclure de l'expertise qu'une cure de désintoxication ne serait pas a priori couronnée de succès.Arrêt TFA du 2.11.98 (non publié)
Un assuré de 35 ans, formation de plâtrier, présentant un syndrome de dépendance (polytoxicomanie, également aux opiacés) avec structure pathologique de la personnalité, doit, conformément à l'obligation de restreindre le dommage, se soumettre à une psychothérapie et à des cures de désintoxication.Arrêt TFA du 5.11.02 (I 758/01)

Excès pondéral

Conformément à la jurisprudence, une cure d'amaigrissement pour améliorer la capacité de travail constitue une mesure raisonnablement exigible contribuant à restreindre le dommage.

En conséquence, l'obésité ne justifie en principe pas une invalidité donnant droit à une rente, si elle n'entraîne pas de préjudice physique ou moral et n'est pas consécutive à l'apparition de tels préjudices. En revanche, l'obésité doit être considérée comme invalidante au vu des données spécifiques du cas d'espèce si elle ne peut pas être réduite au moyen d'un traitement approprié ou être ramenée à un niveau auquel le surpoids en rapport avec d'éventuelles séquelles n'entraîne pas de préjudice important.

Le TFA ayant affirmé dans ses arrêts le caractère d'exigibilité d'une cure d'amaigrissement, n'ont malheureusement pas justifié leurs décisions de manière circonstanciée. Le point de vue des sciences médicales en la matière faisait défaut, de même que l'énoncé global des aspects déterminant des cas d'espèce.

Les constatations lapidaires précitées des tribunaux sont donc à peine exploitables. Par conséquent, on ne peut éviter de procéder à une évaluation globale de l'ensemble des facteurs du cas et se référer à un avis médical probant. Selon la jurisprudence, cet avis médical doit s'efforcer de répondre aux questions suivantes:3

  • Capacité de travail sans réduction de poids
  • Nombre de kilos à perdre exigible et temps nécessaire pour parvenir ensuite à une stabilisation du poids
  • Capacité de travail durant la période nécessaire à la réduction
  • Influence de la cure d'amaigrissement sur les autres problèmes de santé

Il est possible que le patient surmonte – dans le quotidien professionnel - les difficultés liées à la structure de sa personnalité avec interprétation catastrophique des troubles, au déconditionnement et au surpoids. Arrêt TFA du 4.4.05 (I 476/04)

Déconditionnement

La jurisprudence considère avec justesse que les mesures permettant de surmonter un déconditionnement important présentent un caractère raisonnablement exigible.

Sur la base d'une vive recommandation médicale, l'AI peut prescrire un entraînement de travail de 6 à 8 semaines à un assuré souffrant de maux de dos importants, de pieds plats et d'adiposité. Décision Tribunal des assurances SG du 20.1.04 (non publiée)
L'AI peut obliger une assurée de 39 ans présentant un syndrome spondylogène, lombaire et cervical, avec anomalie de posture et déconditionnement, à des mesures de rééducation (physiothérapie, musculation, soutien psychologique/psychiatrique)Décision Tribunal des assurances SG du 12.2.04 (non publiée)
En cas de musculation insuffisante du torse et de déconditionnement, il est conseillé de procéder à des mesures de renforcement de la musculation sur le long terme pour maintenir la capacité de travail restante, ceci dans le but de satisfaire à l'obligation de restreindre le dommage et de favoriser l'auto-insertion. De telles mesures permettent une amélioration ou le maintien de la capacité de gain.Arrêt du 15.7.03 (I 839/02)

Conclusion

L'obligation de restreindre le dommage est un principe clair et accepté par la plupart des gens. Pourtant, elle tombe souvent dans l'oubli, ses interprétations sont nombreuses et elle dépend de tellement de facteurs qu'il est difficile de dire si, à l'avenir, elle aura l'importance qu'on attend d'elle.

De plus, les expériences concernant l'obligation de restreindre le dommage sont encore très peu nombreuses. Il serait par conséquent souhaitable que les assureurs se penchent davantage sur le principe de restriction du dommage, ce qui pourrait ensuite déboucher sur des décisions jurisprudentielles servant enfin de références.

Littérature

Kieser Ueli: ATSG-Kommentar, Zürich-Basel-Genf 2003

Landolt Hardy: Das Zumutbarkeitsprinzip im schweizerischen Sozialversicherungsrecht, Zürich 1995

Locher Thomas: Die Schadenminderungspflicht im Bundesgesetz vom 19. Juni 1959 über die Invalidenversicherung, in: Sozialversicherungsrecht im Wandel, Festschrift 75 Jahre Eidgenössisches Versicherungsgericht, Bern 1992, S. 407

Maurer Alfred: Zumutbarkeit im Sozialversicherungsrecht, in: Sozialversicherungsrecht im Wandel, Festschrift 75 Jahre Eidgenössisches Versicherungsgericht, Bern 1992, S. 221

Rüedi Rudolf: Im Spannungsfeld zwischen Schadenminderungspflicht und Zumutbarkeitsgrundsatz bei der Invaliditätsbemessung nach einem ausgeglichenen Arbeitsmarkt, in: Rechtsfragen der Invalidität in der Sozialversicherung, Schaffhauser/Schlauri, St. Gallen 1999, S. 29


1 Jugement TFA du 18.5.04 (I 457/02)
2 VSI 2002 29f
3 Arrêt TFA du 14.7.00 (I 53/00)

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